J'ai reçu cette semaine Seeds, magnifique et très originale bande-dessinée en anglais publiée il y a deux ans et dont l'auteur n'est autre que le jeune frère de Greg, Ross. Un petit article s'imposait...
1/ Première approche :
Ce qui marque quand on reçoit l'ouvrage, c'est le titre écrit en lettres blanches sur une bande noire qui traverse la couverture d'un côté à l'autre et se prolonge à l'arrière en passant bien sûr par la tranche. S'ensuivent les couleurs où tout est dans un ton de sépia, tant l'autoportrait de Ross lui-même dans la partie supérieure que le dessin de John, son père, entre le titre et le bas de la couverture. L'objet est souple, fin, le toucher et le poids en fond une bande-dessinée facile à tenir et l'impression sur une surface mate rend le tout agréable à l'œil.
2/ Caractéristiques :
Nom : Seeds ;
Auteur : Ross MACKINTOSH ;
Éditeurs : Eddie DEIGHTON, Benjamin SHAHRABANI & Jon SLOAN.
Maison d'édition : Com.X ;
Date de sortie : mars 2011 ;
Référence : CXS031104 ;
ISBN-13 : 978-0-9832238-0-1 ;
Dimensions : 25,4 x 16,5 x 0,5cm ;
Langue : anglais ;
Nombre de planches dessinées : 69 ;
Nombre de pages hors couvertures : 84 ;
Prix de vente indicatif : 8,61€ (frais de port offerts sur Amazon).
3/ Résumé :
C'est en juillet 2009 que les frères Mackintosh ont appris que leur père avait contracté un cancer des poumons suite à celui de la prostate qu'il avait déjà ; vingt ans plus tôt, il avait déjà dû subir un triple pontage cardiaque, affaiblissant inéluctablement son cœur et préparant insidieusement le terrain de cette tumeur qui allait y faire son nid. Tandis que le premier, musicien, allait quelques années plus tard fonder Vallenfyre, le second, graphic designer, se mit, au bout de quelques semaines, à concevoir une bande-dessinée autobiographique qui allait lui permettre d'immortaliser sur papier sa vie d'alors, dépeignant ses relations humaines avec son père avant le déclin de ce dernier. Seeds démarre donc le jour où Ross a appris la nouvelle de la bouche de sa femme jusqu'à ceux qui ont suivi les funérailles.
4/ Style :
On s'en serait douté ; le style graphique de Ross n'a rien à voir avec les comics d'Outre-Atlantique ou les manga du Pays du Soleil Levant... Bien loin même des bandes-dessinées belges dans la veine de ce qu'ont fait Hergé ou Franquin.
Dans la mise en page, les angles de vue, on est très proches du style d'Adrian Tomine, comme il est stipulé dans la présentation de Ross dans les dernières pages de Seeds. Ce dessinateur américain a clairement influencé le frère cadet de Greg, ainsi que Marjane Satrapi pour le style des personnages et leur simplicité : tout en bichromie, des tracés approximatifs, des proportions parfois douteuses, certains traits gras et non moins nets : on est comme en présence d'une œuvre dont on aurait encré les croquis, les esquisses, sans passer par un travail de précision, d'adoucissement. Le character-design de Ross est également comparé à celui de Craig Thompson et il est certain que là, pour le coup, on est vraiment dans la ressemblance, bien que certaines œuvres de Craig sont marquées d'un travail de détail et de proportions bien plus soutenu, plus juste. Dernier artiste source d'inspiration, ou influence pour Ross : Alison Bechdel, à la différence près que cette dernière utilise des trames sur ses planches de sorte à obtenir des nuances de gris là où l'Anglais fait des traits parallèles à main levée pour apporter de la texture et procéder au remplissage.
Donc, pas de trames, pas d'encre de Chine, pas de cases bien délimitées à la règle et assez peu de discours direct réel : il y a bien plus de passages narratifs en haut des cases que de réelles bulles attenantes aux personnages, comme si Ross nous racontait une histoire... J'en viens d'abord à vous parler de l'usage de ce formidable support qu'est la bande-dessinée : si elle est par définition une succession de dessins dans des cases qui racontent une histoire, alors oui, c'en est une. Mais si vous cherchez dans cette BD une œuvre autant à regarder qu'à lire, vous n'y trouverez pas votre compte ! Les cases ne servent tout au plus qu'à générer une atmosphère d'intimité entre le lecteur et l'auteur lui-même via l'utilisation d'un moyen de communication que Ross a lui-même choisi. En lisant cette bande-dessinée, avant de rentrer dans l'histoire, on entre dans l'univers de l'artiste qui nous y immerge avec ses propres talents, ses propres points de vue, ses réactions, ses pensées. Comme un peintre qui ne communiquerait qu'avec ses toiles, comme un flûtiste qui ne "parlerait" qu'avec des souffles...
Des traits simples permettent de toucher plus facilement le lecteur et d'interpeller ainsi des choses très personnelles rien qu'en lisant Seeds, et qui font écho à des sentiments, des émotions plus intimes, plus profondes... Comment une telle autobiographie aurait-elle pu être prise pour ce qu'elle est avec un dessin soigné, précis, coloré, détaillé ?? Chaque trait noir de chaque case est irrégulier, imparfait, à l'image de ce qui serait si nous écrivions ou dessinions sous le joug d'irrépressibles émotions, dans un torrent de larmes, en étant éméché ou colérique. Non, le trait est bien plus humain qu'un Captain America, qu'un Lucky Luke, qu'un Akira ou que dans un Picsou Magazine. On est bien loin de telles bandes-dessinées impersonnelles qui ne font que raconter une histoire que le lecteur ne lit qu'à la troisième personne du singulier. Non, avec Seeds, vous êtes immergés dans une histoire qui n'en a rien, toutefois : non, ce n'est pas juste une histoire. C'est une expérience que le lecteur traverse à la première personne. Et qui laisse des séquelles en soi. Non, pas des séquelles ; un goût... Juste un goût... Mais un goût amer ! Alors à quoi bon faire de beaux dessins pour décrire un décor, des personnages, lorsque Seeds vous met directement dans l'action, vous immerge droit dans les cases, et vous permet de voir vous-mêmes ce qu'elles décriraient si elles étaient plus détaillées ???
Seeds, avant d'être une bande-dessinée, est un cadeau de Ross, comme s'il nous disait "L'art graphique est mon domaine, et je m'en sers pour raconter mon histoire. Ne la lisez pas, ne la regardez pas. Vivez-la !" Ici, on mettra l'accent tant sur la forme que sur le fond. Ross n'a jamais rêvé la publication de Seeds. Il n'a pas conçu cette bande-dessinée pour nous la faire partager, il l'a conçue avant tout pour lui, pour prolonger les derniers jours de vie de son père, pour marquer à l'encre indélébile son existence, pour lui rendre hommage... "Un cadeau pour mes proches victimes : mes frères et ma Mère ; un enregistrement du tumulte et un bref hommage à mon Père. Un moyen de prolonger le souvenir".
En un sens, Seeds lui a servi et lui sert encore à se souvenir qu'il y a eu une époque où, pour lui, son père n'était pas en danger. La période pré-cancer... La période pré-Seeds. D'ailleurs, on se surprend à tomber, au cours de l'histoire, sur le jour où Ross a commencé à penser à faire une bande-dessinée. Oui, Seeds, que l'on tient dans les mains, nous fait revivre le jour où Ross a eu cette conversation avec un ami à lui, Martin : "Je pense à faire un roman graphique". Et quatre cases plus bas, lorsque son ami lui demande de quoi ça parlerait, Ross répond tout simplement "Mon père...". C'est à cela que se résume Seeds : un quator. Lorsque le cancer rencontre Ross, lorsque la bande-dessinée épouse John, lorsque Ross fait face au cancer de son père et l'exprime via la bande-dessinée.
Dans la mise en page, les angles de vue, on est très proches du style d'Adrian Tomine, comme il est stipulé dans la présentation de Ross dans les dernières pages de Seeds. Ce dessinateur américain a clairement influencé le frère cadet de Greg, ainsi que Marjane Satrapi pour le style des personnages et leur simplicité : tout en bichromie, des tracés approximatifs, des proportions parfois douteuses, certains traits gras et non moins nets : on est comme en présence d'une œuvre dont on aurait encré les croquis, les esquisses, sans passer par un travail de précision, d'adoucissement. Le character-design de Ross est également comparé à celui de Craig Thompson et il est certain que là, pour le coup, on est vraiment dans la ressemblance, bien que certaines œuvres de Craig sont marquées d'un travail de détail et de proportions bien plus soutenu, plus juste. Dernier artiste source d'inspiration, ou influence pour Ross : Alison Bechdel, à la différence près que cette dernière utilise des trames sur ses planches de sorte à obtenir des nuances de gris là où l'Anglais fait des traits parallèles à main levée pour apporter de la texture et procéder au remplissage.
Donc, pas de trames, pas d'encre de Chine, pas de cases bien délimitées à la règle et assez peu de discours direct réel : il y a bien plus de passages narratifs en haut des cases que de réelles bulles attenantes aux personnages, comme si Ross nous racontait une histoire... J'en viens d'abord à vous parler de l'usage de ce formidable support qu'est la bande-dessinée : si elle est par définition une succession de dessins dans des cases qui racontent une histoire, alors oui, c'en est une. Mais si vous cherchez dans cette BD une œuvre autant à regarder qu'à lire, vous n'y trouverez pas votre compte ! Les cases ne servent tout au plus qu'à générer une atmosphère d'intimité entre le lecteur et l'auteur lui-même via l'utilisation d'un moyen de communication que Ross a lui-même choisi. En lisant cette bande-dessinée, avant de rentrer dans l'histoire, on entre dans l'univers de l'artiste qui nous y immerge avec ses propres talents, ses propres points de vue, ses réactions, ses pensées. Comme un peintre qui ne communiquerait qu'avec ses toiles, comme un flûtiste qui ne "parlerait" qu'avec des souffles...
Des traits simples permettent de toucher plus facilement le lecteur et d'interpeller ainsi des choses très personnelles rien qu'en lisant Seeds, et qui font écho à des sentiments, des émotions plus intimes, plus profondes... Comment une telle autobiographie aurait-elle pu être prise pour ce qu'elle est avec un dessin soigné, précis, coloré, détaillé ?? Chaque trait noir de chaque case est irrégulier, imparfait, à l'image de ce qui serait si nous écrivions ou dessinions sous le joug d'irrépressibles émotions, dans un torrent de larmes, en étant éméché ou colérique. Non, le trait est bien plus humain qu'un Captain America, qu'un Lucky Luke, qu'un Akira ou que dans un Picsou Magazine. On est bien loin de telles bandes-dessinées impersonnelles qui ne font que raconter une histoire que le lecteur ne lit qu'à la troisième personne du singulier. Non, avec Seeds, vous êtes immergés dans une histoire qui n'en a rien, toutefois : non, ce n'est pas juste une histoire. C'est une expérience que le lecteur traverse à la première personne. Et qui laisse des séquelles en soi. Non, pas des séquelles ; un goût... Juste un goût... Mais un goût amer ! Alors à quoi bon faire de beaux dessins pour décrire un décor, des personnages, lorsque Seeds vous met directement dans l'action, vous immerge droit dans les cases, et vous permet de voir vous-mêmes ce qu'elles décriraient si elles étaient plus détaillées ???
Seeds, avant d'être une bande-dessinée, est un cadeau de Ross, comme s'il nous disait "L'art graphique est mon domaine, et je m'en sers pour raconter mon histoire. Ne la lisez pas, ne la regardez pas. Vivez-la !" Ici, on mettra l'accent tant sur la forme que sur le fond. Ross n'a jamais rêvé la publication de Seeds. Il n'a pas conçu cette bande-dessinée pour nous la faire partager, il l'a conçue avant tout pour lui, pour prolonger les derniers jours de vie de son père, pour marquer à l'encre indélébile son existence, pour lui rendre hommage... "Un cadeau pour mes proches victimes : mes frères et ma Mère ; un enregistrement du tumulte et un bref hommage à mon Père. Un moyen de prolonger le souvenir".
En un sens, Seeds lui a servi et lui sert encore à se souvenir qu'il y a eu une époque où, pour lui, son père n'était pas en danger. La période pré-cancer... La période pré-Seeds. D'ailleurs, on se surprend à tomber, au cours de l'histoire, sur le jour où Ross a commencé à penser à faire une bande-dessinée. Oui, Seeds, que l'on tient dans les mains, nous fait revivre le jour où Ross a eu cette conversation avec un ami à lui, Martin : "Je pense à faire un roman graphique". Et quatre cases plus bas, lorsque son ami lui demande de quoi ça parlerait, Ross répond tout simplement "Mon père...". C'est à cela que se résume Seeds : un quator. Lorsque le cancer rencontre Ross, lorsque la bande-dessinée épouse John, lorsque Ross fait face au cancer de son père et l'exprime via la bande-dessinée.
5/ Causes et conséquences :
Seeds, c'est aussi des émotions, des sentiments, bruts ! À l'état pur !! Une aventure humaine qui met l'Homme face à une situation à laquelle il n'était pas préparé, qui doit apprendre à composer avec l'idée d'une disparition imminente, état d'esprit qui induit l'acceptation d'un état de fait, d'un combat contre la maladie, de deuil. Qui exhorte le lecteur à l'empathie pour l'emmitoufler non pas dans une compassion tendre et authentique mais non moins inutile, mais pour le mettre en vis-à-vis avec la réalité d'une maladie qui peut frapper n'importe qui...
Il n'y a rien de gai dans la mort, mais tout en sublimant la bande-dessinée, Seeds lui apporte une dimension tragique qui, juxtaposée à la simplicité des dessins, met l'accent sur la complexité des conséquences de cette mort. Les trois premières cases, d'ailleurs, sont les seules qui font état d'une situation banale d'insouciance, juste avant que Jo ne dise à son époux "Ton père a un cancer". Toutes les autres de toutes les pages génèrent un état d'esprit d'incompréhension, de tentative d'adaptation à la mort imminente, de multiples questionnements qui, souvent, ne trouvent de réponse que dans la fatalité : "C'est comme ça...". Le texte n'entre parfois plus en ligne de compte, et toutes les cases muettes sont néanmoins bien plus parlantes, plus éloquentes, qu'un long discours narratif et verbal.
L'œuvre fait passer le lecteur de la nouvelle du cancer à "la vie (de Ross) après la mort (de son père)", en passant successivement par l'acceptation du cancer pour la famille Mackintosh, la vie quotidienne qui doit s'y adapter (quintes de toux, visites chez le docteur, conversations entre père, mère et fils, etc), désarroi, idée de la mort omniprésente, contrastant avec des scènes où le cancer est relégué au second plan au profit de moments de légèreté et de rire, puis les examens, John de plus en plus souvent alité et à qui les proches viennent rendre visite... La volonté de Ross de reprendre une vie normale en essayant de se concentrer sur son travail, en faisant du sport, etc, est de plus en plus réduite à néant au fur et à mesure que l'état de santé de son père s'aggrave. Mais loin de trouver le réconfort auprès de Greg, Ross cadet se confie à ses amis, à sa femme, retrouve sa force avec sa fille... Puis le déclin : le besoin qu'a son père d'être aidé par sa femme et son fils pour aller sous la douche ou aux toilettes, pour monter les marches de l'escalier de la maison familiale...
Tant les aspects matériels que philosophiques, sanitaires ou psychologiques sont mis à nu ici dans Seeds. Chacun, la tête dans les mains, les larmes aux yeux, essaie, plus que de comprendre le "pourquoi ?", de mieux se préparer à l'inévitable, comme pour répondre au "comment ?". Et comme pour se rassurer, Ross souligne ici une habitude entre lui et son père (ce que John et Ross appelaient "spinnos") qu'ils avaient avant la nouvelle du cancer et continuent d'entretenir pendant (et même après pour le fils), comme pour combattre la maladie en s'exhortant à continuer comme si elle n'existait pas. Et malgré la faiblesse physique de John, on ressent dans les réactions de ce père déjà affaibli par des semaines de traitement, toute la force d'une personnalité qui d'une certaine manière, parvient à repousser les effets de la maladie. Puis on se retrouve inévitablement dans la chambre de John allongé dans son lit avec ses trois fils (Greg, Ross et Andy) et sa femme, les dernières larmes, les derniers regrets, les derniers témoignages d'Amour. Ces paroles que l'on n'ose jamais dire à nos proches de leur vivant, mais qui glissent dans leurs oreilles à l'article de la mort, ou plus généralement quand on est en vis-à-vis avec une séparation qui promet d'être longue... ou éternelle.
Puis le vide, la souffrance, l'impuissance devant le pouvoir de la mort. La vie qui part, l'enveloppe charnelle qui est rendue à la nature, mais l'âme qui rejoint les cœurs des proches. Des condoléances, des mots insignifiants qui ne sont pas assez forts pour ôter ne serait-ce qu'une once de peine, ni le pouvoir de nous faire détourner le regard de ce cercueil... Des funérailles : un ensemble de visages tristes et froids qui, juxtaposés à la chaleur des souvenirs, des sentiments, créé une contradiction humaine que l'on retrouve très distinctement dans Seeds. Puis l'absence, la chaise vide à table, la solitude, le besoin de s'isoler pour parler à l'être disparu. Et cette dernière interrogation : "Comment quelqu'un d'aussi présent peut-il désormais être absent alors que les souvenirs que l'on a de lui sont aussi vifs que lui de son vivant ??"
Il n'y a rien de gai dans la mort, mais tout en sublimant la bande-dessinée, Seeds lui apporte une dimension tragique qui, juxtaposée à la simplicité des dessins, met l'accent sur la complexité des conséquences de cette mort. Les trois premières cases, d'ailleurs, sont les seules qui font état d'une situation banale d'insouciance, juste avant que Jo ne dise à son époux "Ton père a un cancer". Toutes les autres de toutes les pages génèrent un état d'esprit d'incompréhension, de tentative d'adaptation à la mort imminente, de multiples questionnements qui, souvent, ne trouvent de réponse que dans la fatalité : "C'est comme ça...". Le texte n'entre parfois plus en ligne de compte, et toutes les cases muettes sont néanmoins bien plus parlantes, plus éloquentes, qu'un long discours narratif et verbal.
L'œuvre fait passer le lecteur de la nouvelle du cancer à "la vie (de Ross) après la mort (de son père)", en passant successivement par l'acceptation du cancer pour la famille Mackintosh, la vie quotidienne qui doit s'y adapter (quintes de toux, visites chez le docteur, conversations entre père, mère et fils, etc), désarroi, idée de la mort omniprésente, contrastant avec des scènes où le cancer est relégué au second plan au profit de moments de légèreté et de rire, puis les examens, John de plus en plus souvent alité et à qui les proches viennent rendre visite... La volonté de Ross de reprendre une vie normale en essayant de se concentrer sur son travail, en faisant du sport, etc, est de plus en plus réduite à néant au fur et à mesure que l'état de santé de son père s'aggrave. Mais loin de trouver le réconfort auprès de Greg, Ross cadet se confie à ses amis, à sa femme, retrouve sa force avec sa fille... Puis le déclin : le besoin qu'a son père d'être aidé par sa femme et son fils pour aller sous la douche ou aux toilettes, pour monter les marches de l'escalier de la maison familiale...
Tant les aspects matériels que philosophiques, sanitaires ou psychologiques sont mis à nu ici dans Seeds. Chacun, la tête dans les mains, les larmes aux yeux, essaie, plus que de comprendre le "pourquoi ?", de mieux se préparer à l'inévitable, comme pour répondre au "comment ?". Et comme pour se rassurer, Ross souligne ici une habitude entre lui et son père (ce que John et Ross appelaient "spinnos") qu'ils avaient avant la nouvelle du cancer et continuent d'entretenir pendant (et même après pour le fils), comme pour combattre la maladie en s'exhortant à continuer comme si elle n'existait pas. Et malgré la faiblesse physique de John, on ressent dans les réactions de ce père déjà affaibli par des semaines de traitement, toute la force d'une personnalité qui d'une certaine manière, parvient à repousser les effets de la maladie. Puis on se retrouve inévitablement dans la chambre de John allongé dans son lit avec ses trois fils (Greg, Ross et Andy) et sa femme, les dernières larmes, les derniers regrets, les derniers témoignages d'Amour. Ces paroles que l'on n'ose jamais dire à nos proches de leur vivant, mais qui glissent dans leurs oreilles à l'article de la mort, ou plus généralement quand on est en vis-à-vis avec une séparation qui promet d'être longue... ou éternelle.
Puis le vide, la souffrance, l'impuissance devant le pouvoir de la mort. La vie qui part, l'enveloppe charnelle qui est rendue à la nature, mais l'âme qui rejoint les cœurs des proches. Des condoléances, des mots insignifiants qui ne sont pas assez forts pour ôter ne serait-ce qu'une once de peine, ni le pouvoir de nous faire détourner le regard de ce cercueil... Des funérailles : un ensemble de visages tristes et froids qui, juxtaposés à la chaleur des souvenirs, des sentiments, créé une contradiction humaine que l'on retrouve très distinctement dans Seeds. Puis l'absence, la chaise vide à table, la solitude, le besoin de s'isoler pour parler à l'être disparu. Et cette dernière interrogation : "Comment quelqu'un d'aussi présent peut-il désormais être absent alors que les souvenirs que l'on a de lui sont aussi vifs que lui de son vivant ??"
6/ Portées :
Pour tout fan de Paradise Lost qui voudra trouver de quoi se mettre sous la dent au sujet de Greg, de son enfance, du contexte familial et de ses relations avec son père déclinant ne trouvera rien dans Seeds ; autant passer son chemin. Greg n'apparaît que dans trois cases que vous pouvez voir ci-dessous (j'ignore encore si Ross voit Jésus Christ en son frère aîné...). Non, le compositeur du groupe n'est pas démonstratif malgré l'Amour qu'il vouait à son père ; d'ailleurs, on constate que ce n'est pas la main de Ross que John tenait sur son lit de mort, mais celle de Greg. Non, Raj dla Cyników a bien plus à dire sur la jeunesse de Greg que ce dont son frangin nous a pondu ici. Souvenez-vous : c'est l'histoire de John et de Ross, pas de John et de Greg.
Mais on soulignera toutefois que les deux frères sont artistes et ont eu ce besoin de donner vie à un projet au sommet de leur art (la musique et le dessin) pour contrecarrer la disparition de leur père : Vallenfyre et Seeds ne sont pas juste un groupe de musique et un bande-dessinée, mais surtout le prolongement de la vie du disparu. Aussi un moyen d'exprimer l'énergie du deuil générée par ces âmes en souffrance qui auraient pu tomber dans la dépression et ont néanmoins su se servir de cette énergie, de cette force, pour créer quelque chose de beau. La tristesse au service de la beauté, le deuil qui sert les Arts sur un plateau d'argent. Ces deux thérapies, plus que de venir du même sang, ont toutes deux cette portée énorme dans leur propre domaine. Alors que Vallenfyre fait montre d'une conception et de compositions sérieuses et matures, Seeds surprend le grand monde de la bande-dessinée et fait germer ("Seed" signifie "graine", "germe", "pépin" en anglais) de nombreuses interrogations dans l'esprit des professionnels du milieu. "Mais qui donc est ce Ross Mackintosh qui a remporté cette année le prix du best original graphic novel aux Broken Frontier Awards 2011 ??" Le troisième frère, Andy, sans doute le plus jeune des trois et celui qui a le moins de souvenirs de son père, prendra-t-il le même chemin qu'eux ?? Ce qui est certain, c'est que le cœur des deux frères aînés sont très soudés et qu'ils se donnent un petit coup de pouce pour promouvoir leur Art et leurs œuvres, comme en atteste ci-dessous la publicité de Seeds issue du site officiel de Vallenfyre.
En définitive, Seeds peut être une bande-dessinée que chacun peut s'approprier, et que les proches de victimes du cancer pourront utiliser à leur avantage pour savoir à quoi s'attendre et se préparer psychologiquement à faire face aux différentes étapes traversées ici, bien que l'on ne soit jamais au point lorsque la faucheuse tranche de son arme la vie de celles et ceux auxquels on tient. Mais n'oubliez pas...
"Ce n'est pas un livre sur la mort. C'est un livre sur mon Père".
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Ross MACKINTOSH
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Ross MACKINTOSH
7/ Épilogue :
Hiya,
Seeds est une bande-dessinée à laquelle je ne m'attendais pas... Je veux dire... Je m'attendais bien évidemment à une œuvre autobiographique qui porte en elle une incommensurable kyrielle d'émotions et de leçons à ressentir, à décortiquer et à transmettre, mais de là à me sentir réellement en vis-à-vis avec le cancer au quotidien, il y avait un pas que je ne pensais pas franchir. Bien que j'ai perdu un oncle du cancer des poumons il y a cinq ans (deux paquets de Gitanes par jour pendant trente ans ; sans surprise...), je n'ai jamais eu à être confronté à la réalité du quotidien d'un proche atteint de ce mal en plein essor ; j'étais au Japon à l'époque. Cela ne me touche donc pas personnellement. Mais je conçois, bien plus par mon empathie habituelle qui me fait ressentir et embrasser de toute mon âme les émotions des autres que par le décès de mon oncle, ce que Ross a pu ressentir, bien que cela puisse paraître prétentieux. Et je suis très surpris de retrouver les émotions de Ross très brutes, pas nettes, avec de nombreuses aspérités, encore chaudes et ardentes, dans Seeds. Encore une fois, le projet de cette bande-dessinée a été instigué alors que John était encore en vie. On comprend donc très bien comment Ross a pu garder ses émotions au chaud pour nous les retransmettre de plein fouet dans sa publication.
On comprend aussi les absences de Greg sur certaines dates, notamment le concert de l'Élysée-Montmartre de 19 décembre 2009 où il avait été remplacé par Milly (John est décédé le 2 décembre 2009). Greg expliquait : "À la fin de l’été 2009, on a diagnostiqué un cancer de la prostate à mon père John Mackintosh. Plus tard, pendant l’automne, alors que son traitement progressait, Paradise Lost est parti en tournée en Europe pour défendre notre dernier album Faith Divides Us – Death Unites Us. Au bout d’une semaine, ma mère m’a appelé pour me dire que les médecins avaient découvert que le cancer s’était étendu à ses poumons et qu’il était en phase terminale. Il ne lui restait plus que quelques semaines à vivre. J’ai choisi de quitter la tournée et de laisser mon très compétent technicien Milly".
Seeds est une bande-dessinée à laquelle je ne m'attendais pas... Je veux dire... Je m'attendais bien évidemment à une œuvre autobiographique qui porte en elle une incommensurable kyrielle d'émotions et de leçons à ressentir, à décortiquer et à transmettre, mais de là à me sentir réellement en vis-à-vis avec le cancer au quotidien, il y avait un pas que je ne pensais pas franchir. Bien que j'ai perdu un oncle du cancer des poumons il y a cinq ans (deux paquets de Gitanes par jour pendant trente ans ; sans surprise...), je n'ai jamais eu à être confronté à la réalité du quotidien d'un proche atteint de ce mal en plein essor ; j'étais au Japon à l'époque. Cela ne me touche donc pas personnellement. Mais je conçois, bien plus par mon empathie habituelle qui me fait ressentir et embrasser de toute mon âme les émotions des autres que par le décès de mon oncle, ce que Ross a pu ressentir, bien que cela puisse paraître prétentieux. Et je suis très surpris de retrouver les émotions de Ross très brutes, pas nettes, avec de nombreuses aspérités, encore chaudes et ardentes, dans Seeds. Encore une fois, le projet de cette bande-dessinée a été instigué alors que John était encore en vie. On comprend donc très bien comment Ross a pu garder ses émotions au chaud pour nous les retransmettre de plein fouet dans sa publication.
On comprend aussi les absences de Greg sur certaines dates, notamment le concert de l'Élysée-Montmartre de 19 décembre 2009 où il avait été remplacé par Milly (John est décédé le 2 décembre 2009). Greg expliquait : "À la fin de l’été 2009, on a diagnostiqué un cancer de la prostate à mon père John Mackintosh. Plus tard, pendant l’automne, alors que son traitement progressait, Paradise Lost est parti en tournée en Europe pour défendre notre dernier album Faith Divides Us – Death Unites Us. Au bout d’une semaine, ma mère m’a appelé pour me dire que les médecins avaient découvert que le cancer s’était étendu à ses poumons et qu’il était en phase terminale. Il ne lui restait plus que quelques semaines à vivre. J’ai choisi de quitter la tournée et de laisser mon très compétent technicien Milly".
En tout cas, Seeds m'a clairement mis une claque dans la gueule ! Put... !!!
Thanks, Ross !
Kirhel
Dernière édition par Kirhel le Dim 10 Mar 2013, 6:58 am, édité 1 fois