Une démo est toujours très intéressante, d'abord ne serait-ce que parce qu'elle précède un album plus abouti. En outre, la plupart des démos sont effectuées en début de carrière, et un groupe peut tester différentes orientations au sein d'une amplitude accrue de sons variés. Il y a beaucoup de travail dans une démo, et ce travail est brut, sans la production qui va derrière : le son est donc plus... authentique, ou peut-être plus naturel, plus spontané, puisqu'il n'est pas modifié par tout le circuit de l'enregistrement, ni même par tout le cheminement dans les studios. Comme si Nick, Greg, Aaron, Steve et Matt s'étaient retrouvés dans un garage avec leurs instruments, et s'étaient mis à jouer ce qu'ils avaient composé, ce qu'ils aimaient à l'époque, tout en s'enregistrant. Ouvre le carton et regarde leur photo en noir et blanc : tu peux clairement voir la jeunesse sur leurs visages. Ils ne savaient pas encore trop ce qui les attendait, ni dans quelle direction musicale ils allaient s'investir, mais ils étaient -et sont toujours- passionnés de musique. Ils répètent souvent, aujourd'hui encore dans des interviews, qu'ils jouent la musique qu'ils aimeraient écouter, et c'est là leur principal leitmotiv, comme à l'époque de leurs débuts à la fin des années quatre-vingt. Vingt-trois ans plus tard, ils continuent encore et ont arpenté un sacré chemin derrière eux. Ce chemin a pour origine ces démos que tu peux écouter à loisir. Entre-temps, ils ont vécu beaucoup d'expériences, bien sûr au sein de leur groupe, mais également dans leur vie personnelle, et cela a sans doute modifié beaucoup de choses : leur son reste le même, comme une enveloppe, mais ce qu'ils y mettent est encore bien plus différent et abouti, plus travaillé, plus peaufiné que Drown in Darkness. Prends le temps d'écouter Internal Torment première du nom, puis mets-toi Lydia ou Hallowed Land. La différence est énorme ? Oui, et cette remarque est peut-être l'un des principaux buts de ces démos. On peut s'en rendre compte avec Lost Paradise, mais si tu prends pour objet de comparaison Drown in Darkness, la différence est plus flagrante encore par la qualité de son. De là vient l'évolution de leur son, de leurs albums, et les expérimentations qu'ils ont décidé.
Drown in Darkness est une vraie mine d'or ! Lorelai m'a par exemple fait remarquer que la dénommée Vicky Langham (regarde au dos de l'étui du CD) est celle qui est actuellement, encore et toujours, leur manager. C'est d'ailleurs elle qui nous a accueillis en V.I.P. le 3 avril dernier au Bataclan. Cette fidélité est absolument extraordinaire !!! Tu te rends compte qu'avant que le groupe soit connu, elle était déjà à leurs côtés !?? Peut-être fait-elle partie de leurs premiers fans, de ces gens qui ont eu foi en eux et leur ont donné leur chance. Et regarde où ils sont aujourd'hui !! C'est aussi pour cette mine de renseignements que des compilations de démos comme Drown in Darkness ont vu le jour.
Mais ce n'est pas fini : sors le dépliant et lis donc ce que racontait Nick en mars 2009, concernant leurs débuts : "Le 3 décembre 1988, cinq adolescents faisaient route vers un studio des bas-quartiers de Leeds pour commencer quelque chose qui, en fait, allait changer leur vie et les lancer dans une carrière qui durerait plus de vingt ans. Écouter les deux démos à cette époque puis maintenant confirmera aux gens que les miracles peuvent effectivement arriver... Mais pour ce qui est de ce miracle, je dis bien joué ! (...)" Et lis la suite : tu vas te plonger dans des tranches de vie de l'époque du début du groupe. Back to eighties...
Classe Drown in Darkness avec Lost Paradise dans le bon death-metal avec des passages doom. Pour l'apprivoiser, écoute ces deux disques successivement pour parvenir à t'y habituer et l'intégrer comme partie prenante de leur discographie. Tu dois l'accommoder avec des play-lists, tout au plus, tirant jusqu'à Gothic, je pense. Reste entre 1988 et 1991, et n'essaie même pas de tenter une juxtaposition avec Faith divides Us - Death unites Us, ni avec In Requiem, Shades of God et Icon. Reste dans ce créneau temporel pour habituer tes oreilles, ta perception de la musique, à gommer les différences et l'agressivité du son trop brut. Et tu verras qu'au bout de quelques semaines, tu ne seras plus déstabilisé.
En même temps, prends donc le temps de décortiquer ces démos, lis les textes, tout ce qu'il y a à se mettre sous la dent. Redécouvre le plaisir d'ouvrir un livret, d'apprécier avec une oreille vierge et avide de nouveauté les titres, essaie de chanter, ou tout du moins, lis les paroles en même temps que le chant de Nick ; il y a tant à faire pour apprivoiser un nouveau skeud.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Enfin, regarde ci-dessus la jaquette de la démo de Plains of Desolation. Il y a de grandes chances qu'aucun d'entre nous ne l'aie un jour, car il y en a très peu dans le monde ; Nuclear Abomination qui n'existait nulle part ailleurs que sur ce bootleg t'aurait été inconnue sans Drown in Darkness. La démo Frozen Illusion est sortie en 1989 chez Peaceville et Plains of Desolation, l'année suivante, n'a été conçu qu'en une poignée d'exemplaires que les fans de l'époque se sont arrachée. Pourtant, désormais, grâce à Drown in Darkness, c'est un pan de l'histoire de Paradise Lost qui a été mis à jour.
Et puis n'oublions pas le support du vinyle qui est tombé en désuétude aujourd'hui, comme la cassette vidéo. Drown in Darkness est à Frozen Illusion et Plains of Desolation ce qu'est Evolve à Harmony Breaks et One Second Live : un support qui permet la réhabilitation d'œuvres vouées à l'oubli en raison d'un support média exclusif et non moins obsolète.