Avant tout, je tiens à remercier Lorelai de m'avoir invité à venir rejoindre les rangs des fans francophones de Paradise Lost. Et de te remercier également pour ce site qui nous permet de tous nous retrouver autour de ce groupe ! Par avance, désolé pour le flood...
Ma découverte de Paradise Lost remonte à seize ans en arrière, au début de l'année pendant laquelle est sorti Draconian Times. J'avais vingt-et-un an en ce début d'année 1995.
Mon meilleur ami Seb qui était entré en internat dans les Vosges depuis la rentrée 1994 revint un week-end en région parisienne et sonna chez moi, tout excité. Nous nous saluâmes d'une poignée de main très fraternelle à la façon des «hardos» (comme on disait dans les années quatre-vingt) et il me dit aussitôt après qu'il avait un truc de fou à me faire écouter, étant à la limite de la frénésie en insérant dans ma chaîne hi-fi un CD dont la sérigraphie tirait sur un gris-bleu qui contrastait avec l'argenté originel du disque. Je ne m'étonnai pas de la surexcitation inhérente à la personnalité joviale de mon ami, mais je le trouvais néanmoins très intriguant. Voyant le minois perplexe que j'affichais bien malgré moi, il argua avec un sourire qui s'étirait d'une oreille à l'autre «Toi qui es à fond à la fois sur tout ce qui est Metal d'un côté, et chants aux voix sopranes de l'autre, tu vas triper !»
Il choisit la plage n°12 de cet album qu'il ne m'avait pas montré et une intro aux ambiances sombres et mystérieuses, mais si envoûtante, se déversa dans nos âmes, jusqu'à ce qu'une voix féminine ajoute profondeur et mélodie pour amplifier la beauté artistique de ce morceau qui commençait si harmonieusement. «Innocence... Beneath this sorry veil I see... You have...» C'était à la fois glauque, dans le bon sens du terme (dérangeant et bousculant toutes les références musicales que j'avais connues) et si beau que je fus surpris par le virage du refrain, et par l'entrée en scène de celui qui n'était autre que Nick Holmes, dont la voix contrastait avec celle de Denise Bernard. «For my life and the stars creation...»
Comme Christina Scabbia de Lacuna Coil (voir interview sur le DVD Over the Madness ou dans les bonus de The Anatomy of Melancholy), je m'exclamai en mon for intérieur «P..., mais qu'est-ce que c'est !?», et lorsque la chanson toucha à sa fin, mon meilleur ami finit par me montrer le boîtier du CD : Paradise Lost, Icon (Music for Nations, 1995, CDMFN 152). Je l'ouvris et fis glisser le livret qui n'en était pas un et qui se déplia pour afficher devant mon regard un mini-poster représentant les cinq maîtres des lieux. Passée la surprise de ne pas trouver de chanteuse, je me mis à écouter très brièvement chacune des chansons, et nombre d'intros m'interpellèrent. Mon meilleur ami accepta de me laisser pour le week-end ce CD qu'un ami de l'internat lui avait prêté pour quelques semaines. D'entrée de jeu, certaines chansons se dégagèrent plus que d'autres : j'accrochai de suite à Colossal Rains, Deus Misereatur, True Belief, Shallow Seasons, Dying Freedom et Embers Fire, sans oublier Christendom qui restera pour moi un titre facile d'accès qui témoigne bien de ce dont est capable le groupe.
Quelques mois plus tard, Seb me prêta les albums Gothic et le petit dernier, Draconian Times qui venait de sortir, et je lui demandai de me prêter son exemplaire d'Icon pour que je me fasse une petite compilation de Paradise Lost sur une cassette audio de quatre-vingt dix minutes, à écouter dans mon walkman. Gothic, Dead Emotion, Eternal, The Painless, Shattered, Desolate, Enchantment, The Last Time et Shadowkings vinrent se joindre aux titres sus-cités et je fis tourner la cassette pendant des années. Je n'avais pas assez d'argent pour m'acheter mes propres disques compact, mais grâce à mon walkman, je pouvais malgré tout profiter du monde de plénitude dont Paradise Lost m'avait ouvert les portes, et qui ne seraient jamais plus scellées à nouveau.
C'est durant ces premières années à écouter la formation anglaise que je découvris dans leur musique bien plus que ce que l'on pouvait entendre : comprendre leurs paroles ne fit que confirmer les impressions que j'avais en écoutant des titres comme True Belief et Enchantment : une dimension tragique et dépressive naissait de la musique et des arrangements tout autant que par les textes. C'est cela qui me plut le plus, et qui me plaît toujours autant dans Paradise Lost, plus que les solos, les thèmes abordés, le chant en lui-même, etc. Je l'ignorais à l'époque, mais j'allais retrouver cela dans Over the Madness, Your own Reality, Unreachable, Joys of the Emptiness, Faith divides us - Death unites us, No Celebration, Grey, Last Regret, Forever Failure, Missing et One Second, pour ne citer que les principales.
L'album Shades of God que je découvris en 1996 ne m'intéressa absolument pas, pas même ce morceau d'anthologie qu'est As I die et qui ne revêtit jamais pour moi d'aucun charme, bien que je concevais que dans les Arts, tout était et est toujours une question de goût... et de point de vue ! Je ne m'attardai donc pas sur ce opus (que je n'ai toujours pas acheté aujourd'hui ; c'est le seul qu'il me manque !), et m'orientai vers le premier album du groupe qui me rappela ceux que j'avais écoutés des années auparavant, mais composés par des groupes comme Cannibal Corpse ou Nocturnus. Des vieux de la veille. Je n'avais pas encore l'oreille suffisamment habituée aux musiques extrêmes, m'étant longtemps cantonné au heavy, au thrash et au speed, et n'ayant que très peu arpenté les sentiers du death metal. J'étais loin de penser que je considérerais quinze ans plus tard Breeding Fear comme un des meilleurs titres de Paradise.
En 1997, comme Seb, je boudai le groupe et ne le suivis pas dans le virage musical qu'il prit avec One Second. Tout juste la chanson éponyme fut-elle pour moi une hymne à l'amour au-delà de la mort, aux regrets d'un être cher disparu, et y calai-je mes propres tourments pour mieux la ressentir ; à contrario, Sane, This cold Life et Blood of Another entre autres n'atteignirent pas les hauteurs artistiques et émotionnelles qui avaient, à mon sens, été la marque de fabrique du groupe. Les années qui suivirent, je restai donc dans le registre de leurs premiers albums et put enfin me les acheter en CD. Je me retranchai également sur d'autres groupes de l'époque, tous aussi différents les uns que les autres (Theatre of Tragedy, Tristania, Within Temptation, Korn et des plus anciens comme Iron Maiden, Helloween, Sepultura, Loudness, Judas Priest, Megadeth, etc).
Il m'arrivait néanmoins de parler de metal avec d'autres passionnés, tels qu'un de mes camarades d'escadron, Michel, entre l'été 1997 et le printemps 1998, que je cotoyai au premier régiment de cuirassiers de Saint-Wendel, en Allemagne, pendant les dix mois du service militaire. Nous connaissions tous deux Paradise et en parlions pendant des heures, bien qu'il me fit connaître Samael et Theatre of Tragedy. Nous nous amusions souvent, lui et moi, à chanter The Painless avec une voix sépulcrale que nous commençâmes rapidement à bien maîtriser. Il me parlait souvent de la tristesse que dégageait la guitare de Greg durant le refrain de True Belief, et de ses autres ressentis. Je partageais les miens avec lui, et nous avions alors l'impression de voyager dans un monde que nul autre n'avait atteint avant nous. Exhortés par Sarah Marrion à atteindre les cimes de l'euphorie : Reach the sky, not falling down... Sunlight shines in heaven...
À l'époque, nous aimions les musiques obscures et underground qui étaient loin de ce que l'on pouvait entendre sur les ondes FM. Nous avions l'impression, et j'avais nourri cette idée depuis longtemps, que nous faisions partie d'un groupuscule de passionnés de musiques extrêmes là où les autres fans de metal se cantonnaient à des musiques qui, pour nous, s'apparentaient à des hymnes pour enfants de chœur. Mon camarade et moi poussâmes le vice jusqu'à nous rapprocher de milieux sataniques, et si Paradise Lost n'avait rien qui s'y apparentait, nous faisions un terrible amalgame et jouissions du plaisir de passer par ce que nous pensions être la Grande Porte.
Néanmoins, pendant presque dix ans, je ne m'intéressai plus aux nouveaux albums de Paradise Lost : ils m'avaient trop déçu avec One Second, et je ne voulais pas garder un mauvais souvenir de ce groupe. Je nourrissais toujours de l'amour pour leurs œuvres plus anciennes que je ne cessai jamais d'écouter, et du respect pour eux qui avaient été les instigateurs d'une musique nouvelle qui me correspondait exactement sur trois quarts de leurs titres. Mais je regrettais qu'ils n'aient pas gardé leur son. Etait-ce Lee Morris qui avait influencé dans une direction qui ne me plaisait guère les orientations musicales de la formation ? Je me demandais ce qu'était devenu Matt «Tuds» Archer que j'avais toujours beaucoup aimé pour sa brave gueule.
Il m'arriva pendant ces dix années de tomber sur des morceaux ou des clips de Paradise Lost. La vidéo de Mouth me répugna tout autant que la chanson elle-même, et le fait que As I die soit toujours autant encensée me poussa à réfléchir sur ce que je n'aimais pas sur cette chanson, et réalisai que le refrain ne me plaisait guère au niveau de la mélodie. Comme je le disais, tout est question de goût. Mais je ne fus jamais certain que la tournure qu'avait prise la musique que composait le groupe était uniquement le fruit de leurs inspirations artistiques qui me semblaient déclinantes. Je regrettai néanmoins de ne pas avoir entendu une seule fois ne serait-ce qu'une seule des compositions de Nick et de Greg au cours des soirées gothiques parisiennes que je fréquentais ; on y entendait plus fréquemment du Nine Inch Nails, du Depeche Mode et du Type O'Negative que des groupes très peu commerciaux recelant quelques titres très gothiques et bien plus dark que tout ce que je pouvais y entendre. Je le déplorai amèrement, mais y rencontrai néanmoins des goths et autres ersatz de «metalleux» avec qui je pus parler très superficiellement de Paradise Lost. Malheureusement, ils n'avaient souvent pas poussé leurs investigations auditives au-delà de Shades of God, ne se concentrant que sur les deux premiers albums de groupe. «Ah ouais, Paradise, ça déchire !» me disait-on avant de s'envoyer bières et cigarettes à tout va sans prendre le temps de peaufiner son argumentaire. Je compris très vite que ce que je cherchais ne se trouvait pas dans les caves Saint-Sabin de la capitale.
En 2001, j'eus l'impression de retrouver un peu de l'atmosphère que dégageait Paradise dans les romans d'écrivains et de poètes anglais tels que Milton (dont vient le nom du groupe), Keats, voire Lawrence et Shakespeare. Je me mis en tête de potasser l'anglais shakespearien pour mieux m'imprégner de ce qu'était Le Paradis Perdu et trouvai nombre d'éléments qui avaient semblé inspirer Nick pour ses textes relevant bien plus de la tragédie que de la comédie. Des choses dont, me sembla-t-il, on ne peut si bien parler que parce qu'on les a connues (je reste convaincu que Nick a de profondes blessures en lui, et qu'il les assume en les exprimant dans la musique qui lui apparaît comme un exutoire. Je ne pense pas -peut-être à tort- qu'il soit vraiment possible d'écrire des chansons comme Forever Failure, One Second, No Celebration ou Last Regret sans avoir un certain vécu tragique, ni le recul nécessaire pour porter ces fardeaux).
En 2007, tout changea lorsqu'un excellent ami, Christophe, m'offrit In Requiem en version vinyl limitée à 2000 exemplaires pour mes 34 ans. Je retrouvai l'atmosphère gothique de Christendom dans Requiem, me sentit oppressé par Never for the Damned, attristé par Fallen Children, affecté par Unreachable, déprimé par Your own Reality et leur magnifique reprise du titre Missing d'Everything but the Girl (chanson qui me toucha tout particulièrement) et Sedative God, Ash & Debris et Beneath Black Skies m'excitèrent particulièrement, me donnant presque envie de me mettre à la guitare. Je jugeai Praise Lamented Shades et The Enemy, les deux singles tels que l'était As I die, relativement moins bons que tous les autres morceaux de l'album. Toutefois, cet album me parut être le meilleur chef-d'œuvre et je me l'écoutai en boucle tous les jours dans mon lecteur mp3 où j'avais mis mes fichiers encodés pour ne pas user mon CD original. Les douze titres formèrent la bande originale de l'année que je passai au Japon entre 2008 et 2009, et aujourd'hui encore, réécouter la plupart des chansons d'In Requiem me ramène à neuf-mille sept-cent kilomètres de Paris, à Tôkyô.
De retour en France en septembre 2009, j'appris la sortie prochaine de leur nouvel album et me l'achetai aussi vite que possible. Franchement pas accessible, très lourd et cynique dans ses paroles, il me fallut plusieurs auditions pour l'apprivoiser et il me sembla néanmoins confirmer le retour aux sources qu'avait montré In Requiem et qui, je ne m'en doutais pas à l'époque, avait été entamé quatre ans plus tôt en 2005 avec Paradise Lost.
J'allai à leur concert à Paris le 19 décembre pour les voir pour la première fois, et je me repus d'un spectacle qui avait été plus que fidèle à ce à quoi je m'attendais. Le fait de redécouvrir First Light chantée sous mes yeux me séduisit, et la force que dégagea Faith divides us – Death unites us en live, malgré des prestations vocales en deçà de ce que j'eus pu attendre, me comblèrent de joie, et le sentiment d'unité qui me gagna en me disant que je n'étais pas le seul à exulter sur Paradise Lost me fit me sentir chez moi parmi les autres fans qui m'entouraient. J'avais en revanche sourcillé en remarquant que Greg n'était pas là, et que Milly Evans n'avait pas la même façon de jouer, mais je passai outre et rien ne pouvait gâcher mon plaisir.
Il y a un an, je décidai de rattraper le temps perdu : je m'achetai le DVD The Anatomy of Melancholy, enchaînai sur la version vinyl 33t limitée et numérotée de Draconian Times via le site officiel du groupe, et partis en croisade pour retrouver les anciens albums : One Second en version cassette audio neuve (pour le fun !), puis Host, Symbol of Life, Lost Paradise, Paradise Lost, One Second et Believe in Nothing en CD avant de poursuivre avec le DVD Over the Madness, puis plus tard, avec Evolve. Tout l'album Paradise Lost me plut automatiquement, un peu comme In Requiem, album très cohérent au possible avec des titres coup de cœur comme Don't Belong, Shine, Over the Madness, Grey, Redshift, Close your Eyes et Spirit. Seuls quelques titres de One Second tels que le single ainsi que Say just Words, Lydia et Disappear ma plaisent pour l'instant, à l'instar de So Much is Lost qui est à l'heure actuelle la seule chanson qui justifie l'achat de Host. En revanche, les deux albums suivants, bien plus aboutis mais également aux titres trop inégaux à mon avis, recèlent de véritables petites perles : dans l'ordre des plages, Fader, Divided, Control, Isolate, Pray Nightfall et No Celebration. Pour ce qui est de Faith divides us - Death unites us, j'adore tous les morceaux sauf Living with Scars, Universal Dream, Cardinal Zero et Back on Disaster qui ne me reviennent pas franchement.
Il y a trois mois, je m'achetai une guitare électrique Ibanez orientée metal avec un petit ampli Peavey 15w aux multiples effets, et me mis en tête d'apprendre à jouer la rythmique d'Aaron sur de nombreux titres. L'ennui, c'est que sur leur dernier album, Aaron a souvent utilisé une sept cordes, et l'accordage est donc plus bas, gagnant ainsi au moins trois ou quatre frettes par rapport à une six cordes, à mon avis. Dans mon cas, il me faut remonter d'une octave et aller vers la 24ème case, mais je parviens néanmoins à accompagner le groupe comme une troisième guitare ; c'est euphorisant !
Aujourd'hui, je vis en Alsace et suis en passe de déménager dans un ou deux mois en région parisienne ou du côté de Bordeaux pour refaire ma vie (j'ai quitté ma compagne récemment et vis encore chez elle ; argh !). Je me passionne pour les Arts, particulièrement la sculpture (Art funéraire), la peinture (le courant Pré-Raphaëlite), la poésie et le dessin. Mais je suis surtout passionné par la littérature et la musique en termes d'Arts, et par la langue française qui me donne constamment et inlassablement envie d'écrire comme si c'était une drogue. D'ailleurs, je suis actuellement en train de travailler sur un ou deux romans que j'ai ressorti des tiroirs. Je parle l'anglais et le japonais couramment (niveau familier et non soutenu), je n'ai jamais travaillé que dans le commerce, du simple vendeur au responsable de boutique, et d'un point de vue du physique, je suis métis (50% de l'Afrique -Bénin-, 25% de l'Asie -Vietnâm-et 25% de l'Europe -Allemagne-), ce qui m'a d'ailleurs causé quelques problèmes dans le monde du metal (beaucoup de racisme au début des années quatre-vingt-dix dans les milieux underground).
J'ai 37 ans, ça fait vingt-et-un ans que j'écoute du metal (ne jouons pas avec les étiquettes...) et je ne me lasse pas de cela. J'ai touché un peu à tous les courants, poussant parfois au death, au black et au doom metal, redescendant dans le rock, bifurquant sur le grind ou le grunge... Mais aucun groupe ne m'a autant apporté que Paradise Lost. Et dans ma «perfect track-list» que j'ai créée en compilant leurs albums et que j'écoute entièrement au moins quatre fois par semaine, il y a soixante-et-onze titres dont je me repais individuellement plusieurs fois par jour. Mais j'attends avec impatience des nouvelles du prochain album qui sortira avec un peu de chance cette année.
Wait and see...